Toute vérité est-elle bonne à dire ?

J’ai été récemment voir « La Boussole d’Or » au cinéma, avec ma fille. Dès le début du film, une réplique expliquait qu’il ne faut pas dire la vérité aux gens. De suite, je me suis posé la question suivante (et ci-dessus) : toute vérité est-elle bonne à dire ? D’autant que ma fille est sortie très déçue du cinéma, pestant contre le scénariste qui n’avait pas respecté la fin du livre. Forcément, dans le livre, la fin est peu glorieuse et triste. Le film, lui, finit sur une note d’espoir.

Si l’on regarde du côté des gouvernements, y en a-t-il un seul, qui dise la vérité aux gens ? Les hommes politiques, que ce soit avant une élection ou après, nous disent une chose (en général, plus ou moins ce que nous voulons entendre ou ce que nous savons, car ça découle du bon sens) et en font d’autres, pas toujours ouvertement. Comme exemple, je vais prendre l’affaire Tchernobyl : lorsque les media ont été alertés et ont commencé à diffuser leurs images, il était évident que le peuple allait poser des questions et l’on s’est préparé à y répondre ; en France, on a trouvé ! Le « nuage radioactif » s’arrêterait aux frontières. Bien sûr il n’en était rien, mais il a fallu du temps pour que le mensonge transpire et ce temps a été largement mis à profit par le président d’alors pour réussir à se faire réélire.

A côté de l’aspect politique, qui, il faut le dire, ne constitue qu’une partie lointaine de notre univers quotidien, et plus proche de nous, il y a l’attitude ambivalente de certains médecins, face à des malades à qui il faut dire des choses qui, on le sait d’avance, ne feront pas plaisir, mais dont on ne peut pas deviner comment ils les prendront. Si aujourd’hui on ne cache pas la vérité à un sidéen (j’ose l’espérer, en tout cas), qu’en est-il de ceux qui ont le cancer ? Je me souviens de la mère de mon dernier ex-compagnon. A 86 ans, elle a dû partir en maison de retraite, en faisant une étape de quelques semaines par l’hôpital. Là, on nous a dit qu’elle présentait quelques petites pathologies, qui, prises une par une, n’étaient pas bien méchantes, mais qui, ensemble, constituaient un vrai péril. Et, couronne sur le gâteau, on nous a annoncé qu’elle développait un cancer du côlon à l’état avancé, mais qu’il valait mieux ne pas le lui dire, afin de ne pas la stresser. La pauvre femme est morte deux ans plus tard sans même savoir ce qu’elle avait.

Pour ce qui est du cercle social dans lequel chacun évolue, les choses vont-elles mieux ? Vous avez tous, je suppose, été rendre visite à un couple qui vient d’avoir un bébé. Et il est très rare d’entendre une tête penchée sur un berceau dire que le bébé n’est pas beau ? En effet, il serait très difficile de dire à un couple comblé de bonheur que leur rejeton est rouge et moche, ou qu’il a un grand nez. Pourtant, il est très rare qu’un nouveau-né soit mignon. Je n’irai pas jusqu’à dire que j’ai trouvé ma propre fille moche, mais, à dire la vérité, je ne peux pas dire qu’elle était mignonne non plus. De grands pieds, de grandes mains, les yeux fermés, ce vilain ombilic qui séchait sur son ventre… tout cela n’était certainement pas l’image que l’on se fait d’un bébé.

A une amie qui se plaint d’avoir de grosses fesses, on ne dira pas « oui, c’est vrai, tu as le cul gros comme un département », même si c’est vrai. On se contentera de lui dire que ce n’est pas si terrible que ça et qu’avec un bon régime et un peu de sport, elle retrouvera une ligne plus conforme à ses désirs.

Si l’on se tourne vers le monde du travail, sommes nous mieux lotis ? Vous savez ce qu’on dit, sur « le chef », toujours en rigolant :
« Article 1 : le chef a toujours raison
Article 2 : Si le chef a tort, alors on applique l’Article 1. »
Je pense que ceci se passe de commentaires !
On pourrait trouver une foule d’exemples, dans tous les domaines, qui démontrent que même les gens qui ont les meilleures intentions du monde, à un moment ou à un autre, sont susceptibles de ne pas dire la vérité « toute crue ».

Que ce soit pour rassurer les gens, épargner un malade, ne pas gâcher le plaisir de parents ou consoler une amie, le fait est que la vérité n’est pas toujours bonne à dire, ou du moins, qu’elle n’est pas toujours assez agréable à entendre pour que nous voulions la dire.

Mais cela ne signifie-t-il pas, dans un sens, que nous décidons pour l'autre? Nous décidons, quand nous ne disons pas la vérité, de ce que l'autre à le "droit" d'entendre ou pas. La question qu'il faut se poser est la suivante: aimerions nous être, dans ce cas précis, à la place de l'autre?

Commentaires

Unknown a dit…
"je ne peux pas dire qu’elle était mignonne non plus. De grands pieds, de grandes mains, les yeux fermés, ce vilain ombilic qui séchait sur son ventre…"
Ahaha, me voilà très flattée, ma très chère mère, de cette vague de compliments à l'égard de ta propre fille x'). Bon je te pardonne, vu la tête que t'avais sur les photos de juste après ma naissance, t'étais pas mieux lotie x).
Vu ce que tu as écrit, je crois que je dis plus ce que je pense que la moyenne des gens, ce qui n'est pas forcément plus avantageux d'ailleurs ^^.

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